Entre ciel et terre

Entre ciel et terre

Je m’appelle Alaïa, j’ai un an et je suis aux portes du Paradis.

Derrière les yeux inondés de larmes de ma mère, des êtres lumineux me sourient. Les lumières angéliques se mêlent à la blancheur d’une chambre d’hôpital.

Je suis entre ciel et terre et une grande décision m’appartient.

Les lèvres de maman tremblent et, dans un souffle, à peine parvient-elle à murmurer :
« Cette petite va mourir »

Son angoisse a envahi la pièce et projette des formes lourdes et grises qui dansent sur les murs.

Depuis quelques jours je rejette tous les aliments, je perds du poids et me réduis. De plus en plus frêle et légère, je suis à présent comme suspendue dans les airs.

Je flotte entre deux mondes.

Sur terre, le ciel est bas et menaçant. La nuit tombe et le ciel gronde. Spectateurs impuissants de mon corps mourant, les visages familiers grimacent de douleur.

Les ombres de chacun s’animent et se déploient en de gigantesques démons. Des scènes macabres se succèdent dans un chaos et une ambiance pesante.

Des filaments de lumière s’échappent de mon corps et ma respiration se fait plus courte.

Plus haut, l’horizon m’éclaire de toute son immensité. Des rayons de lumière céleste caressent ma peau et j’entends au loin des chœurs qui entonnent une douce mélodie.

Entre ciel et terre je vogue sur les flots de mon indécision.

M’envoler dans les airs ou tomber par terre ?

Je n’aurais qu’à déployer mes ailes et m’élancer vers la lumière.

Je n’aurais qu’un saut à faire…

Mais l’amour ici-bas me retient aussi.

Je suis entourée de visages humains et angéliques qui tous attendent un signe.

« Tu as le choix » murmurent les voix du ciel.
« Car tout le monde a toujours le choix … »

Au milieu des visages terrestres sombres, une petite tête blonde se penche vers moi et me sourit tendrement.

Je vois dans le regard profond de mon grand-frère qu’il sait déjà tout…
Papa est là aussi et je m’aperçois qu’il se retient de pleurer devant moi.

Mais qu’importe à présent.

Telle une plume, je flotte dans le vent au-dessus de ce monde.
Je ne sens plus mon corps et mes émotions se diluent dans l’espace.

Mon cœur s’affaiblit, mes paupières se ferment et les bruits se font plus doux…Je me laisse glisser…

Les voix célestes m’enveloppent dans un amour si profond…que je ne résiste plus…

« Quelle que soit ta décision nous t’accompagnerons… »

Soudain, un bourdonnement intense semble jaillir de mes oreilles et une force inconnue me soulève.
Tel un oiseau, je déploie mes ailes et m’élance dans un tourbillon de lumière et d’amour infini.

Je file à toute vitesse dans une sorte de tunnel et me dirige vers le point le plus haut et le plus lumineux.
Je sens la présence bienveillante d’êtres invisibles qui m’accompagnent dans ce voyage inédit.
La lumière m’enveloppe et m’éblouit à présent.

Mes pieds se posent délicatement sur une étendue de verdure.
Je me frotte les yeux, les plisse et les ouvre enfin. Je découvre que mon corps est devenu celui d’une femme !

Un paysage à couper le souffle s’étend devant moi!

Un tableau de maître dans lequel je me serais égarée ? Suis-je dans un rêve ? Suis-je au Paradis ? Mon vœu se serait-il donc exaucé ? N’est-ce pas ce que je voulais au plus profond de moi ?

Une nature merveilleuse déroule son tapis à perte de vue. Des oiseaux gigantesques roses tourbillonnent dans un ciel mauve et bleu. La vallée s’étend jusqu’à la montagne enneigée au loin et la ligne d’horizon plonge dans une mer scintillante bleu turquoise. J’aperçois des licornes courant dans le vent, libres et sauvages. Chaque chose est vivante et illuminée de l’intérieur ! Je ressens l’âme de la montagne et j’entends comme un cœur battre sous cette gigantesque roche ! Les fleurs s’ouvrent tel un sourire sur mon passage et les roses majestueuses dégagent un parfum si fin et délicat que j’en emplis tout mon corps. L’herbe respire et se balance dans une brise légère. Les arbres m’ouvrent leurs bras de feuilles et je pénètre dans une forêt brillante et magnifique attirée par des sons harmonieux.

Des libellules virevoltent gaiement autour de moi et des papillons multicolores m’accompagnent. Je m’approche d’une rivière dont l’eau est si pure que je ne peux m’empêcher de la goûter. Elle est fraîche et vivifiante. Je vois dans son reflet que mon visage est celui d’une jolie jeune femme aux cheveux blonds et ondulés. Mon corps est mince et je porte une robe légère et colorée.

Mes pas sont attirés par des sons célestes qui semblent venir d’un peu plus loin…Au fur et à mesure que je m’enfonce au cœur de la forêt, mon corps et mon esprit s’allègent.

Je marche mais je ressens de moins en moins l’herbe sous mes pieds. Je me dirige vers cette lumière mélodieuse…

La forêt se fait plus dense et la lueur mystérieuse plus intense.

Je distingue des sons, telle une pluie musicale. La végétation devient plus douce, la mousse sous mes pieds est une caresse, la nature m’ouvre ses portes et soudain…Mes pas sont arrêtés par un spectacle éblouissant !

Face à moi la source déploie toute sa force et sa beauté dans une cascade de son, de lumière et d’eau.

Chaque gouttelette brille d’une couleur, d’une luminosité et d’une transparence uniques! Chacune si fluide et légère glissant dans un torrent de symphonie et jaillissant dans un magnifique feu d’artifice d’eau musical et coloré. Des arcs en ciel se succèdent dans des couleurs qui m’étaient jusqu’alors inconnues.

La nature jouant sa propre symphonie !
Je suis bouleversée par tant de beauté. J’en suis sûre, je suis au Paradis ! Comment pourrait-il en être autrement ?

Mon regard est attiré par une lueur intense qui illumine l’obscurité du feuillage. Un être jeune et rayonnant portant une longue robe blanche s’approche et, d’une voix douce et grave, me dit :

« Bonjour Alaïa… Je t’attendais. »

Qui est ce jeune homme au regard si doux ? Et comment connaît-il mon prénom ?

Ma pensée semble avoir été entendue puisque l’homme, sans attendre poursuit :

« – Je m’appelle Anaël et je te connais bien mais je ne pensais pas te revoir si tôt… »

Mon air surpris et interrogatif le fait sourire.

« – Souviens-toi il y a presque deux… »

Sans écouter la fin de sa phrase je lance joyeusement :

« Alors ça y est je suis au Paradis ? Et toi tu es un ange n’est-ce pas ?»

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