Le pays des hommes

Le pays des hommes

Trois Indiens vivaient dans une lointaine contrée. En ce lieu désolé, entre la Lune et le Soleil, il n’y avait rien, sinon de gros nuages.

Un soir les trois amis s’installèrent autour d’un feu afin de discuter d’un grave problème. Le plus grand des trois se nommait KA-NA-GA. Il déclara :

– Nous ne pouvons plus vivre en une telle contrée. Ici, il n’y a pas d’arbres, pas de rivières, pas de gibiers.

– Tu as raison, dit le plus petit des trois Indiens. Ce pays est réellement trop inhospitalier, le Soleil nous brûle la face pendant que la Lune nous gèle le dos.

– Et puis ajouta le moyen, à marcher sur ces doux nuages, nos pieds se ramollissent. Bientôt, nous ne pourrons plus courir et nous ne vaudrons plus rien.

– Nous devons partir d’ici ! Décida KA-NA-GA. Suivez-moi, il doit bien y avoir un endroit plus agréable dans le vaste Monde.

Les trois compères furent vite d’accord. Le plus petit éteignit le feu avec des gouttes de rosée et le moyen dispersa les cendres à l’aide d’un cil de la Lune.

Mais au moment de partir le petit objecta :

– Tout cela est bien beau, comment allons nous voyager ?

Nous ne possédons ni chien, ni traîneau. Nous n’avons même pas de raquettes à nous mettre aux pieds pour nous déplacer sur la neige poudreuse de ces nuages.

Une Tortue passa.

– J’ai une idée ! Clama KA-NA-GA. Et il interpella la Tortue :

– Dis-moi grosse Tortue, toi qui ne cesses d’aller d’un bout à l’autre de l’Univers, sais-tu s’il existe une contrée moins désertique que celle-ci ?

La Tortue réfléchit toute une saison et dit :

– Il y a un millier de lunes, j’ai parcouru un Pays habité par des hommes. Il se trouve là-bas à l’Ouest. Cependant, je ne vous conseil pas d’y aller car c’est un endroit très dangereux.

– Crois-tu que nous ayons peur ? répliqua KA-NA-GA. Nous allons grimper sur ton dos et tu vas nous y mener.

La Tortue émit un si gros rire que le ciel trembla.

– Êtes-vous fous ? Cela est impossible ! C’est très loin, et je marche si lentement que vous seriez morts à moitié du chemin.

Et la Tortue s’éloigna de son pas tranquille.

Un Renard sortit d’entre deux lambeaux de brume.

– Ohé, Renard ! Appela KA-NA-GA. N’es-tu pas réputé pour courir très vite ?

– Si fait, répondit le Renard avec orgueil. Nul n’est plus rapide que moi à la course.

– Tant mieux. Nous allons utiliser tes compétences, dit KA-NA-GA. Tu vas nous conduire où vivent d’autres hommes. Et n’hésite pas à filer comme l’éclair, nous nous cramponnerons à ta fourrure.

Le Renard réfléchit à cette proposition le temps d’une saison. Puis il partit d’un rire si grinçant que deux nuages se fendirent et tombèrent en morceaux.

– Vous ne pourriez tenir dans cette position pendant tout le voyage. Ne savez-vous pas que je perds mes poils chaque automne ? Au moment de ma mue vous tomberiez dans le vide.

Et le Renard détala en se cachant derrière sa queue.

Un Aigle planait dans le ciel en chantant une berceuse. KA-NA-GA hurla dans sa direction :

– Ecoute-moi un instant frère Aigle. Viens un peu ici, nous avons à te parler.

Dans un énorme bruissement d’ailes, l’Aigle se posa devant les Indiens. Une si forte tempête s’éleva que les trois amis durent nouer leurs bras autour des pattes de l’Aigle pour ne pas s’envoler.

– Ne fais pas tant de vent, gentil Aigle, recommanda KA-NA-GA. Dis-nous plutôt si tu acceptes de nous transporter au Pays où habitent les hommes ?

L’Aigle tourna cette idée dans sa tête durant tout un hiver et l’été qui suivit. Puis, il déclara :

– A mon avis, vous êtes bien mieux ici. Toutefois, si vous désirez prendre le risque de pénétrer en ce Pays, je peux vous y mener. Agrippez-vous aux plumes de mon cou car mon vol est si puissant que vous pourriez glisser de mes ailes.

L’Aigle s’éleva dans les air set, plus rapidement qu’une flèche, fila vers l’Ouest. Un vent glacial sifflait aux oreilles des trois Braves.

Tout ce que l’Aigle survolait se changeait aussitôt en glace, car l’Aigle était en réalité le père de toutes les bourrasques.

Le voyage dura plus de siècles qu’il n’y a de doigts sur deux mains. Lorsque la Lune et le Soleil ne furent plus que de petites boules, pas plus grosses que les yeux d’une Taupe, une grande étendue verdoyante apparut sous la poitrine de l’Aigle. C’était un endroit magnifique.

Il y avait des arbres, des rivières et du gibier en abondance. Il y avait aussi des hommes ! Mais au lieu de s’abriter du Soleil sous les arbres, de se baigner dans les rivières et de chasser pour manger, ils se disputaient, se battaient et s’entretuaient.

– Je vous l’avais bien dit ! Remarqua l’Aigle. Rien n’est plus risqué que de côtoyer ces hommes.

Les Braves furent dépités de voir un si bel endroit aussi peu apprécié par des êtres qui n’en avaient pas conscience. L’Aigle battit des ailes afin de freiner son élan et se posa sur le sommet d’une montagne. Instantanément, il neigea et le pic se couvrit de glace. L’Aigle dit en riant :

– Cette montagne aura maintenant ses neiges éternelles. Elle est d’ailleurs bien plus belle avec des cheveux blancs.

Les Indiens furent de cet avis.

KA-NA-GA repèra une Belette blottie au fond de son trou.

– Holà, soeur Belette ! Pourquoi te caches-tu ainsi ? Aurais-tu peur de nous ?

– C’est vrai, j’ai peur, admit la Belette. Les hommes sont si mauvais que je dois vivre continuellement au fond d’un terrier.

Les trois Braves caressèrent le petit animal pour lui montrer leurs bonnes intentions et l’apprivoiser.

Lorsque la Belette fut totalement rassurée, KA-NA-GA l’interrogea :

– Toi, Belette, qui passe ton temps à observer les hommes de ton trou, dis-nous pourquoi ils sont aussi méchants ?

– Ce n’est pas de leur faute, répondit-elle. Jusqu’ici personne n’a jamais pris la peine de leur expliquer ce qu’est le bien et le mal. Ils ne possèdent aucune légende à laquelle se référer afin de vivre en communauté.

– Eh bien, je vais inventer des légendes pour ces hommes, décréta KA-NA-GA.

Il saisit un rayon de Soleil, en fit un Cercle et le suspendit à son cou à l’aide d’un lacet de cuir. Enfin il dit :

– Maintenant, tout ce qui aura la forme d’un Cercle sera Magique et Sacré. Il me suffira de toucher du doigt cette puissante médecine qui pend sur ma poitrine pour que je prenne n’importe quelle apparence et que je puisse me transporter en n’importe quel endroit. J’en aurai besoin, car il me faudra parcourir bien du chemin et changer de corps très souvent.

Puis il se tourna vers le petit :

– Toi, tu te peindras en noir, tu seras un mauvais génie. Chacun de vous deux exercera ses pouvoirs, car je crois qu’il faut laisser aux hommes la liberté de choisir entre le mal et le bien.

Cette faculté s’appellera » conscience »

Et KA-NA-GA toucha de son Cercle de lumière le bec de l’Aigle :

– Toi, l’Aigle, tu survoleras constamment cette Terre et enseigneras aux hommes de sages règles de conduite. Tu seras l’image vivante du Grand Esprit !

Chacun partit dans une différente direction.

Et c’est ainsi que KA-NA-GA parcourut le Monde en inventant des légendes dont les êtres humains avaient besoin.

Légende Iroquoise ( Seneca )

Source : http://amerindien.over-blog.com/article-3595393.html

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