Les nouveaux âges de la vie par Jacques Salomé
Dans l’histoire du développement affectif et social du petit d’homme, en quelques années seulement, deux nouveaux stades sont venus s’ajouter, à ceux habituellement décrits par les manuels de psychologie.
Ainsi entre le moment où je suis sorti du ventre de ma mère, il y a 77 ans et celui de l’instant où j’écris, il me semble que la vie de mes contemporains (comme la mienne) s’est considérablement élargie et approfondie.
Si l’on voit la vie comme un fleuve (qui n’est jamais tranquille), dont la source est constituée par l’arrivée au monde d’un bébé et dont le cours d’eau sera protégé et balisé par la petite enfance, puis canalisé et structuré par l’enfance, agité et bousculé ensuite par l’adolescence, parfois ancré et confirmé par l’âge adulte ou de maturité pour s’ouvrir et se répandre dans le dernier versant de la vie dans un estuaire large, profond, ramifié de milles canaux, étangs, sites naturels qui débouchent sur un immense océan d’infini qu’on appelle la vieillesse.
Sur ce fleuve aujourd’hui, sont donc venus se greffer deux autres affluents importants qui n’existaient pas autrefois. Classiquement, on décrivait la petite enfance, qui se rappelait à nous par de nombreux souvenirs heureux ou moins heureux, avec la mémoire fidèle du cœur et du corps, ensuite l’enfance et ses péripéties familiales et scolaires, puis l’adolescence, à la fois chaotique et intense, brumeuse et ensoleillée et, enfin, le début de l’entrée dans le monde des adultes avec le premier emploi, les premières amours, les enjeux d’une autonomie à conquérir.
Mais depuis deux ou trois décennies, entre le monde de l’adolescence et celui de l’âge adulte, est venue se loger, ce qu’il serait possible d’appeler l’adultolescence ! Stade qui a trouvé sa place entre 18 et 28 ans, sorte de nouvelle phase de latence avant l’entrée, parfois retardée ou crainte dans le monde adulte. Période pleine d’ambiguïtés, où un jeune adulte se trouve coincé entre une autonomie affective relative, une semi-autonomie matérielle, une pleine autonomie intellectuelle et une dépendance financière souvent quasi totale, envers les parents ou la société s’il est boursier, chômeur ou assisté par des aides sociales.
Tout se passe comme si les engagements affectifs, professionnels, sociaux et les choix de vie, qui confirmaient habituellement l’entrée dans l’univers adulte, étaient repoussés… à plus tard.
À l’autre bout de la vie est apparue une nouvelle étape, qui s’est insérée au moment de la retraite qui, il y a quelques décennies, était une sorte de confirmation de l’entrée “en vieillesse”, appelée troisième âge. S’est glissée une catégorie d’âge intermédiaire, qu’on appelle les seniors, située avant la vieillesse et l’arrivée de la grande vieillesse, elle-même repoussée encore plus loin, tout au bout de l’existence !
Cette phase du senior nous montre des êtres avec un corps bien conservé, qui sont vivants, très actifs pour beaucoup, avides de vivre une période de vie dynamisée quelquefois par le désir de rattraper le temps passé ou perdu à travailler, avec le désir de réparer une vie d’adulte vécue sur un mode trop trépidant, souvent morcelé, trop rapide. Avec le besoin, au-delà du désir, de s’accorder enfin des espaces de plaisir et de bien-être, des espaces de temps, s’ouvre souvent pour les seniors une période pleine de possibles. Ils n’ont jamais été aussi jeunes, avec des ressources, des moyens et des possibilités qui peuvent leur permettre de réaliser des rêves, des projets et des activités personnelles intenses.
Ainsi ce long fleuve de l’existence, qui trace sa route à un rythme qui est propre à chacun, nous réserve encore beaucoup de surprises et, quoi que certains en pensent ou en disent, l’existence vaut la peine d’être vécue à pleine vie.
Son site : www.j-salome.com
Source : https://www.conscience-et-eveil-spirituel.com/