Aider l’enfant à prendre intelligemment conscience de lui-même
Notre soi-disant culture religieuse décourage l’interrogation et le doute, et pourtant ce n’est qu’en examinant le sens et la portée des valeurs que la société et la religion ont établies autour de nous, que nous commençons à découvrir le vrai.
La fonction de l’éducateur est d’être profondément conscients de ses propres pensées et de ses sentiments ; il peut ainsi abandonner les valeurs qui lui ont donné la sécurité et le réconfort, et aider les autres à prendre conscience d’eux-mêmes-et à connaître leurs aspirations et leurs craintes. C’est pendant la période de croissance qu’il faut veiller à empêcher les déformations. Et si nous, qui sommes plus âgés, avons assez d’entendement, nous pouvons aider les jeunes à s’affranchir des entraves que la société leur impose, ainsi que des obstacles qu’ils projettent au-devant d’eux-mêmes.
Si les jeunes n’ont pas l’esprit et le cœur façonnés par des préconceptions religieuses et des préjugés, ils demeurent libres de découvrir, par la connaissance d’eux-mêmes, ce qui est au-dessus et au-delà d’eux-mêmes.
La vraie religion n’est pas un ensemble de croyances et de rituels, d’espérances et de craintes. Et si nous permettons à l’enfant de grandir sans ces influences gênantes, alors, peut-être, en mûrissant, commencera-t-il à s’enquérir de la nature de la réalité, de Dieu. Voilà pourquoi, en élevant l’enfant, il est nécessaire d’avoir une grande pénétration d’esprit. La plupart des personnes qui ont une tendance à être religieuses, qui parlent de Dieu et de l’immortalité, ne croient pas profondément à la liberté individuelle et à l’intégration. La vraie religion est pourtant la culture de la liberté dans la recherche de la vérité. Il ne peut pas y avoir de compromis avec la liberté. Pour l’individu, une liberté partielle n’est pas une liberté du tout. Un conditionnement, de quelque sorte qu’il soit, politique ou religieux n’est pas la liberté et n’apportera jamais la paix.
La vraie religion n’est pas une forme de conditionnement. C’est un état de tranquillité en lequel est la réalité, Dieu. Mais cet état créatif ne peut entrer en existence que lorsqu’il y a connaissance de soi et liberté. La liberté engendre la vertu, et sans vertu il n’y a pas de tranquillité. L’esprit immobile n’est pas un esprit conditionné, il n’est pas discipliné ou entraîné à être immobile. L’immobilité ne survient que lorsque l’esprit comprend son propre processus, qui est le processus du moi.
Les religions organisées sont les pensées congelées des hommes, avec lesquelles ils construisent des temples et des églises. Elles sont devenues la consolation des timorés et l’opium de ceux qui sont dans la détresse. Mais Dieu, mais la vérité, est bien au-delà de la pensée et des sollicitations émotionnelles. Les parents et les éducateurs qui découvrent et réalisent le processus psychologique de la peur et de la souffrance, devraient pouvoir aider les jeunes à observer et à comprendre leurs propres conflits et leurs épreuves. Si nous, qui sommes plus âgés, pouvions aider les enfants, au fur et à mesure qu’ils grandissent, à penser clairement et sans passion, à aimer et à ne pas provoquer d’animosité, qu’y aurait-il de plus à faire ? Mais si nous nous sautons constamment à la gorge, si nous sommes incapables d’instaurer l’ordre et la paix dans le monde en nous changeant nous-mêmes profondément, de quelle valeur sont les livres sacrés et les mythes des diverses religions ?
La véritable éducation religieuse consiste à aider l’enfant à prendre intelligemment conscience de lui-même, à discerner sans le secours d’autrui le transitoire du réel, et à aborder la vie avec désintéressement. Et n’y aurait-il pas plus de sens à commencer la journée, à la maison ou à l’école, avec une pensée sérieuse ou une lecture ayant une profondeur et un intérêt réels, plutôt que de marmonner des mots ou des phrases si souvent répétés ?
Les générations passées, avec leurs ambitions, leurs traditions et leurs idéologies, ont amené la misère et la destruction au monde. Peut-être la génération qui vient, grâce à une éducation adéquate, pourra-t-elle mettre fin à ce chaos et construire un ordre social plus harmonieux. Souhaitons que les jeunes aient un réel désir de connaître ; qu’ils cherchent constamment la vérité au sujet de chaque chose, de la politique, de la religion, de ce qui est personnel et de ce qui relève du milieu ; et alors la jeunesse aura un grand rôle à jouer et l’on pourra s’orienter vers un monde meilleur. La plupart des enfants sont curieux de nature ; ils veulent savoir ; mais leurs questions pressantes sont étouffées par nos assertions pompeuses, notre impatiente supériorité, notre façon négligente de faire taire leur curiosité.
Nous n’encourageons pas leur désir de nous interroger, souvent nous redoutons leurs questions ; nous n’alimentons pas leur inquiétude, car nous avons nous-mêmes cessé d’explorer. La plupart des parents et des éducateurs redoutent le mécontentement des jeunes ; il jette le trouble là où était la sécurité. On encourage par conséquent les jeunes à réprimer cette tendance, grâce à un emploi sûr, un héritage, un mariage et la consolation d’un dogme religieux. Les aînés, ne connaissant que trop bien les différentes façons d’émousser l’esprit et le cœur, s’emploient à rendre leurs enfants aussi inertes qu’ils le sont eux-mêmes, en leur imposant les autorités, les traditions et les croyances qu’eux-mêmes ont acceptées.
Ce n’est qu’en encourageant l’enfant à mettre en question tout ce qu’on lui donne à lire, à s’interroger sur la portée réelle des valeurs établies, des traditions, des formes de gouvernement, des croyances religieuses, etc., que l’éducateur et les parents pourront espérer éveiller et entretenir son sens critique et l’acuité de sa pénétration.
Les jeunes, pour peu qu’ils soient vivants, sont pleins d’espoir et de mécontentement ; et ils doivent l’être, sans quoi ils seraient déjà vieux et morts. Et les vieux sont les révoltés du passé mais qui étouffèrent avec succès cette flamme en trouvant la sécurité et le confort d’une façon ou d’une autre, lis sont avides d’une permanence pour eux-mêmes et pour leur famille, ils désirent ardemment trouver une certitude dans quelque idéal, dans leurs relations, dans leurs possessions ; et dès l’instant, alors, qu’ils ressentent ce mécontentement intérieur, ils s’absorbent dans leurs responsabilités, dans leurs occupations, ou dans n’importe quoi, en vue d’échapper à ce trouble si gênant.
C’est le temps de la jeunesse qui est celui du mécontentement ; celui où nous ne sommes satisfaits ni de nous-mêmes ni du monde qui nous entoure. Nous devrions apprendre à penser clairement et sans détours, de façon à n’être, intérieurement, ni soumis ni craintifs. L’indépendance n’est pas pour cette section colorée de la mappemonde que nous appelons notre pays, mais pour nous-mêmes en tant qu’individus ; et, bien que nous soyons extérieurement dépendants les uns des autres, cette mutuelle dépendance ne devient pas cruelle et oppressive si nous sommes, intérieurement, affranchis du désir d’acquérir du pouvoir, de l’autorité, une situation. Il nous faut comprendre le vrai mécontentement, que la plupart d’entre nous redoutent.
Ce mécontentement pourrait causer un apparent désordre. Mais s’il conduit, ainsi qu’il devrait le faire, à la connaissance de soi et à l’abnégation, il est susceptible de créer un nouvel ordre social et une paix durable. Avec l’abnégation survient une joie immense. Le mécontentement est la voie de la liberté ; mais afin de pouvoir enquêter sans détours sur la vérité, l’on doit éliminer toutes ces diversions émotionnelles qui si souvent prennent la forme de réunions politiques, de slogans, de cris répétés, de recherches de gourous, de soumissions à des guides spirituels, d’orgies religieuses de toutes sortes. Ces évasions émoussent l’esprit et le cœur. Elles nous retirent tout discernement, de sorte que nous nous laissons aisément façonner par les circonstances et par la peur. C’est l’ardente investigation et non l’imitation facile de la multitude qui engendrera une nouvelle compréhension de la vie. Les jeunes se laissent entraîner si vite par le prêtre ou le politicien, par le riche ou le pauvre, à penser d’une certaine façon!
Mais un enseignement approprié devrait les aider à se méfier de ces influences et à éviter de répéter des mots d’ordre à la façon de perroquets ou de tomber dans les pièges de l’avidité, fût-elle la leur ou celle d’autrui. Ils ne doivent pas permettre à l’autorité de paralyser leurs esprits et leurs cœurs. Se mettre à la remorque d’une personnalité, quelque forte qu’elle soit, ou se laisser attirer par une idéologie, ce ne sont pas là les moyens de créer un monde paisible.
Lorsque nous quittons le collège ou l’université, nous mettons en général nos livres de côté et pensons en avoir fini avec l’instruction. Certains, au contraire, se sentant stimulés et désirant agrandir le champ de leur pensée, continuent à lire et à absorber ce que d’autres ont dit et s’adonnent à la connaissance. Tant que nous rendrons un culte à la connaissance et à la technique comme moyens de parvenir au succès ou à la domination, nous vivrons au milieu de cruelles concurrences, d’antagonismes et de luttes incessantes pour le pain quotidien. Tant que nous prendrons le succès pour but, nous ne serons pas affranchis de la peur, car le désir de réussir engendre inévitablement la crainte d’échouer. Voilà pourquoi l’on ne devrait pas enseigner aux jeunes le culte du succès. La plupart des personnes recherchent le succès sous une forme ou une autre, que ce soit sur un court de tennis, dans le monde des affaires, ou en politique. Nous voulons tous être parmi les premiers, et ce désir ne cesse d’engendrer des conflits en nous-mêmes, ainsi qu’entre nous et nos voisins. Il mène à la compétition, à l’envie, à l’animosité et finalement à la guerre.
Tout comme les anciennes générations, les jeunes recherchent le succès et la sécurité. Encore qu’ils puissent commencer par éprouver un certain mécontentement, ils deviennent bientôt respectables et ont peur de dire non à la société. Les murailles de leurs propres désirs se referment graduellement sur eux et ils se mettent alors au pas et prennent en main les rênes de l’autorité. Leur mécontentement, qui était la flamme même de l’esprit de recherche et de la compréhension, s’éteint et meurt, et, à sa place, s’installe le désir d’une bonne situation, d’un riche mariage, d’une carrière brillante, bref, la soif d’une sécurité de plus en plus certaine. Il n’y a pas de différence essentielle entre les vieux et les jeunes. Les uns, comme les autres, sont esclaves de leurs désirs et de leurs jouissances. La maturité n’est pas une question d’âge: elle vient avec la compréhension. L’ardent esprit de recherche est peut-être plus accessible aux jeunes, car les vieux ont souvent été malmenés par la vie: les conflits les ont usés et la mort, sous différentes formes, les attend. Cela ne veut pas dire qu’ils soient incapables de mener à fond une recherche, mais que cela leur est plus difficile.
Beaucoup d’adultes manquent de maturité, sont assez enfantins, et c’est là une des causes qui contribuent à la confusion et à la misère du monde. Ce sont les vieux qui sont responsables de la crise économique et morale actuelle, et l’une de nos malheureuses faiblesses est de vouloir que d’autres viennent agir pour nous et modifier le cours de nos vies. Nous attendons que des jeunes se révoltent et construisent un monde nouveau, cependant que nous demeurons inactifs, n’étant pas sûrs du résultat. C’est la sécurité et le succès que la plupart d’entre nous recherchent. Et un esprit qui aspire à la sécurité, qui est avide de succès, n’étant pas intelligent, ne se prête à aucune action intégrée. Il ne peut y avoir d’action intégrée que pour l’homme pleinement conscient de son conditionnement, de ses préjugés raciaux, nationaux, politiques et religieux, c’est-à-dire l’homme qui réalise que les voies de l’ego sont toujours séparatives.
La vie est un puits aux eaux profondes, L’on peut s’y présenter avec des petits seaux et ne tirer que peu, ou avec de grands récipients et extraire des eaux abondantes qui nourriront substantiellement. C’est le temps de la jeunesse qui est celui des recherches.
C’est celui où l’on veut faire l’expérience de tout. L’école devrait aider les jeunes à découvrir leurs vocations et leurs responsabilités et non pas simplement leur farcir l’esprit de faits et de connaissances techniques ; elle devrait être le bon sol dans lequel ils pourraient grandir sans peur, heureux, intégralement. Instruire un enfant, c’est l’aider à comprendre la liberté et l’intégration. Pour qu’existe la liberté, il faut de l’ordre, l’ordre que seule la vertu peut réaliser. Quant à l’intégration, elle ne peut se produire que dans l’extrême simplicité. En partant de nos innombrables complexités, nous devons grandir vers la simplicité. Nous devons devenir simples dans notre vie intérieure et dans nos besoins extérieurs.
L’enseignement, de nos jours, se préoccupe de l’efficience extérieure et néglige complètement, ou pervertit délibérément, la nature intérieure de l’homme. Il ne développe qu’une parue de l’homme et laisse le reste traînailler tant bien que mal, de sorte que notre confusion intérieure, nos antagonismes profonds, nos peurs secrètes, prédominent dans le social, quelles que soient la noblesse ou l’habileté qui ont présidé à sa structure. Lorsque les bases de l’éducation sont erronées, les hommes se détruisent les uns les autres et la sécurité physique pour chaque individu est supprimée. Instruire dans le vrai sens du mot, c’est aider l’étudiant à comprendre son propre processus, dans sa totalité. Car ce n’est que l’intégration de l’esprit et du cœur dans l’action quotidienne qui suscite l’intelligence et une transformation intérieure.
Tout en offrant des informations et un entraînement technique, l’instruction devrait développer une vision intégrée de la vie ; elle devrait aider l’élève à reconnaître et à démolir en lui-même toute distinction sociale, tout préjugé, et à décourager l’esprit d’acquisition à la poursuite du pouvoir et de la domination. Elle devrait encourager l’observation féconde de soi et la participation à la vie dans sa totalité, ce qui veut dire ne pas accorder d’importance à la partie, au « moi », au « mien », mais aider l’esprit à aller au dessus et au delà de lui-même, dans la découverte du réel.
La liberté ne commence qu’avec la connaissance de soi dans la vie quotidienne, c’est-à-dire dans les relations que l’on a avec les gens, les choses, le monde des idées et la nature. Si l’éducateur aide réellement l’élève à réaliser son intégration, il ne peut se laisser aller à donner une importance fanatique ou déraisonnable à un aspect particulier de l’existence. C’est la compréhension du processus total de la vie qui provoque l’intégration. Lorsqu’existe la connaissance de soi, le pouvoir de créer des illusions cesse, et alors seulement est-il possible à la réalité, ou Dieu, d’être.
Il est nécessaire que les êtres humains soient intégrés s’ils veulent sortir d’un état de crise et surtout de la crise mondiale actuelle sans être brisés. Par conséquent, le principal problème qui se pose aux maîtres et aux parents qui s’intéressent réellement à l’éducation, est comment développer des individus intégrés. Pour le faire, il est évident que l’éducateur doit être lui-même intégré. Donc, un enseignement basé sur de vraies valeurs est de la plus haute importance, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour la génération plus âgée si celle-ci est disposée à apprendre et n’est pas trop cristallisée.
Ce que nous sommes nous-mêmes est beaucoup plus important que la question traditionnelle sur ce qu’il convient d’enseigner à l’enfant. Et si nous aimons nos enfants, nous veillerons à ce qu’ils aient les éducateurs qu’il faut. L’enseignement ne devrait pas devenir une profession pour spécialistes. Lorsque cela arrive, ce qui est souvent le cas, l’amour disparaît, or l’amour est essentiel dans le processus d’intégration. Pour être intégré, l’on doit être libéré de la peur. N’avoir aucune peur c’est être indépendant, sans brutalité, sans mépris pour les autres.
Cette indépendance est le facteur essentiel de la vie. Sans amour, nous ne pouvons examiner et résoudre aucun de nos nombreux conflits ; sans amour, l’acquisition de connaissances ne fait qu’ajouter à la confusion et conduire à une auto-destruction. L’être humain intégré parviendra à la technique grâce à l’expérience, car l’impulsion créatrice élabore sa propre technique, et c’est là le plus grand art. Lorsqu’un enfant a l’impulsion créatrice de peindre, il peint, il ne se préoccupe pas de la technique. De même, ceux qui affrontent l’expérience de la vie et qui, « par conséquent », enseignent, sont les seuls vrais maîtres et ils créeront, eux aussi, leur propre technique.
Tout cela a l’air d’être simple, mais est en vérité une profonde révolution. Si nous y pensons sérieusement, nous pouvons voir l’extraordinaire effet que cela aurait sur la société. Dans l’état actuel des choses, la plupart d’entre nous sont vidés, à quarante-cinq ou cinquante ans, par l’esclavage de la routine. A cause de notre soumission, de notre crainte, de notre docilité, nous nous sentons finis, bien que nous luttions encore dans une société qui n’a que très peu de sens, sauf pour ceux qui y dominent et qui y sont en sûreté. Si l’éducateur voit cela et affronte réellement cette expérience, alors, quels que soient son tempérament et ses capacités, son enseignement ne sera pas une affaire de routine mais deviendra l’instrument d’une aide efficace.
Pour comprendre l’enfant, nous devons l’observer pendant qu’il joue, l’étudier dans les différentes manifestations de son caractère ; nous ne devons pas projeter sur lui nos préjugés, nos espoirs et nos craintes, ni le façonner selon nos désirs. Si nous jugeons constamment l’enfant en fonction de ce qui nous plaît et nous déplaît personnellement, nous créons forcément des barrières et des obstacles dans nos rapports avec lui et dans ses relations avec le monde. Malheureusement, la plupart d’entre nous désirent adapter l’enfant, de façon à satisfaire leurs vanités et leurs tempéraments particuliers. Nous trouvons du réconfort et du plaisir dans la possession exclusive et la domination. Cette façon de se comporter n’est pas un état de libres relations mais de contrainte. Il est donc essentiel de comprendre le difficile et complexe désir de domination. Il assume des formes nombreuses et subtiles, et, sous son aspect respectable d’équité et de justice, s’enracine avec obstination. Le désir de « servir » qu’accompagne la soif inconsciente de dominer, est difficile à examiner clairement. Peut-il y avoir de l’amour lorsqu’il y a le désir de possession ? Pouvons-nous être en communion avec ceux que nous cherchons à régenter ?
Dominer une personne c’est se servir d’elle pour une satisfaction personnelle et où l’on se sert de quelqu’un, il n’y a pas d’amour. L’amour fait naître le respect, non seulement pour les enfants, mais pour chaque être humain. A moins que nous ne soyons profondément touchés par ce problème, nous ne résoudrons jamais la question de l’enseignement. Une simple instruction technique n’engendre que la brutalité, donc pour élever nos enfants, il nous faut être sensibles à tout le mouvement de la vie. Ce que nous pensons, ce que nous faisons, ce que nous disons, importe infiniment, car c’est cela qui crée le milieu, et le milieu peut aider ou entraver l’enfant. Il est évident, donc, que ceux qui sont profondément intéressés par ce problème, devront commencer par se comprendre eux-mêmes et, de ce fait, aider à transformer la société. Ils engageront directement leur responsabilité dans la mise en œuvre d’une nouvelle éducation. Si nous aimons nos enfants, ne trouverons-nous pas le moyen de mettre fin à la guerre ? Mais si nous ne faisons qu’employer le mot amour, sans contenu, le problème si complexe de la misère humaine subsistera.
L’issue de ce problème réside en nous-mêmes. Nous devons commencer à comprendre nos relations avec nos semblables, avec la nature, avec les idées et les objets, car, sans cette compréhension, il n’y a pas d’espoir, il n’y a pas d’issue aux conflits et aux misères. Élever un enfant exige une observation intelligente et un soin attentif. Les experts, avec leurs connaissances, ne peuvent jamais remplacer l’amour des parents. Mais la plupart des parents corrompent leur amour avec leurs craintes et leurs ambitions, qui conditionnent et déforment la vision de l’enfant. Si peu d’entre nous savent aimer! Par contre, nous sommes très absorbés par les apparences de l’amour. La structure culturelle et sociale actuelle n’aide pas l’individu à trouver la liberté et l’intégration. Et si les parents sont tant soit peu sincères et désirent vraiment que leurs enfants se développent jusqu’à atteindre leur plénitude intégrale, ils doivent commencer par modifier l’influence de la maison et organiser des écoles avec des éducateurs ayant le même point de vue.
L’influence de la maison et celle de l’école ne doivent être contradictoires en aucune façon. Donc, aussi bien les parents que les éducateurs doivent commencer par se rééduquer eux-mêmes. La contradiction qui existe si souvent entre la vie privée de l’individu et sa vie en tant que membre d’un groupe, le met dans un état perpétuel de conflit intérieur et de conflit dans ses relations avec le monde. Ce conflit est envenimé et nourri par le mauvais enseignement en vigueur, à la confusion duquel contribuent les gouvernements et les Églises avec leurs doctrines contradictoires.
L’enfant est divisé intérieurement depuis le début, et cela aboutit à des désastres personnels et sociaux. Si ceux d’entre nous qui, aimant leurs enfants, voient l’urgence de ce problème et y mettent leur esprit et leur cœur, alors, pour peu nombreux que nous soyons, nous pourrons, grâce à un enseignement approprié et à un milieu familial intelligent, aider à se développer des êtres humains intégrés. Mais si, comme tant d’autres, nous remplissons nos cœurs d’habiles constructions de l’esprit, nous continuerons à voir nos enfants périr dans des guerres, par la famine, ou à la suite de leurs propres conflits psychologiques.
La vraie instruction commence avec la transformation de nous-mêmes. Il nous faut nous ré-éduquer afin d’apprendre à ne nous entretuer pour aucune cause, quelque juste qu’elle soit, pour aucune idéologie, quelque prometteuse qu’elle puisse nous apparaître en vue du bonheur futur du monde. Nous devons apprendre à avoir de la compassion, à nous contenter de peu et à rechercher le Suprême, car là seulement est le vrai salut de l’humanité
Extrait d’un texte de krishnamurti
Source : https://prendresoindenosenfantsquantiques.wordpress.com/