Et si on pouvait réellement trouver l’âme sœur ?

Et si on pouvait réellement trouver l’âme sœur ?

D’où vient l’idée d’un autre qui serait notre partie manquante, notre complément parfait ? Pourquoi certains sont-ils persuadés de l’avoir rencontré ? L’ethnopsychiatre Tobie Nathan, qui vient de publier Philtre d’amour, un ouvrage consacré à la passion et aux magies pour la provoquer, éclaire ce désir d’un alter ego qui nous attend quelque part.

Communément, l’âme sœur est l’être qui s’adapte parfaitement à nos goûts et à nos valeurs, celui ou celle avec qui nous allons faire couple, espérant que l’amour dure toujours. C’est du bonheur, de la tendresse, du plaisir…

Âme sœur : une origine divine

La quête de notre « moitié d’orange » fait tellement partie du paysage amoureux contemporain que nous avons totalement oublié qu’elle est d’origine divine. Évident, pourtant : dans l’expression, il y a « âme », or pas d’âme sans dieux. « Cette idée-là est fille des pratiques antiques qui mettaient en scène des relations sexuelles entre hommes et divinités », nous apprend l’ethnopsychiatre Tobie Nathan.

Elle nous renvoie aux temps antiques où des femmes échevelées, en transe, couraient dans les montagnes, les forêts, pour célébrer le culte de Dionysos, dieu de la vitalité et de l’ivresse. Elle nous transporte à l’époque où nos ancêtres invoquaient les divinités du désir Inanna – ou Ishtar –, Cybèle, Aphrodite, Vénus, les suppliant d’amener dans leur lit les êtres désirés : « Fais que mon aimé(e) vienne à moi, fais qu’il (ou elle) me désire. »

Ces pratiques d’un autre âge semblent totalement obsolètes. Néanmoins, à notre insu, elles imprègnent nos esprits. En témoigne l’histoire de Pascal : ce quadragénaire divorcé, totalement investi dans sa vie professionnelle, avait rencontré Blandine. Et sa vie avait chaviré. Ils n’avaient passé qu’une nuit ensemble. Mais quelle nuit… Au petit matin, pourtant, Blandine s’était enfuie, refusant de le revoir. Pascal, lui, en était convaincu : il avait rencontré son âme sœur, son complément féminin. Et depuis la fuite de sa belle, il avait perdu le sommeil et l’appétit. Plus rien n’avait d’importance.

C’est alors qu’il avait décidé de consulter Tobie Nathan. Avec une demande : « Faites-la revenir ! Sauriez-vous la faire revenir ? » Il ne plaisantait pas !Durant son accompagnement, qui a duré deux ans, l’ethnopsychiatre a pris le parti de suivre Pascal dans sa certitude d’avoir rencontré son double.Aujourd’hui, il est marié avec Blandine et ils ont un enfant. Magie ? Peut-être. En réalité, la conviction d’avoir rencontré notre âme sœur a pour effet de décupler la puissance de notre désir. Elle nous donne la force de conquérir l’élu(e) de notre cœur, même s’il (ou elle) n’est pas du tout dans les mêmes dispositions que nous.

S’il était né dans l’Antiquité, Pascal aurait invoqué Ishtar ou Vénus… Mais, pour mieux comprendre sa certitude d’avoir rencontré cet être qui de tout temps lui était destiné, il nous faut faire un détour par la tradition juive.« La théorie de l’âme sœur, notre jumeau parfait, notre part manquante, est née dans l’univers des kabbalistes entre le XIIIe et le XVIe siècle, avant de traverser continents et siècles, affirme Tobie Nathan.Le Dieu biblique fabrique les âmes par couples. Quand un mâle est créé, sa partenaire féminine l’est en même temps que lui.
Il ne s’agit pas forcément d’un homme et d’une femme, mais aussi de deux hommes ou de deux femmes, car la partie mâle peut se trouver dans une femme et inversement. Il faut penser en termes d’émetteur (mâle) et de récepteur (femelle). »Dès lors surgit cette question qui nous étreint tous un jour : qui est-il, quelle est-elle, cet(te) autre avec qui réaliser l’union parfaite, que nous cherchons sans cesse, partout, y compris dans les sites de rencontres qui fleurissent sur Internet ?

Rencontrer l’âme sœur : un séisme

Il arrive pourtant que la rencontre avec l’âme sœur ressemble à un séisme, qui ébranle en profondeur notre paysage psychique et nous mène au-delà des frontières du surnaturel.

« Lorsque cet homme est entré dans le lieu où je me trouvais, j’ai ressenti une inexplicable sensation de malaise : j’ai cru que j’étais en train de faire une crise cardiaque, confie Sabrina Philippe, psychologue clinicienne, enseignante à l’École de psychologues praticiens de l’Institut catholique de Paris (EPP) et spécialiste du couple. Dès que nous nous sommes parlé, j’ai eu la sensation de le reconnaître. Il ne correspondait pas du tout à mes critères habituels, mais c’était comme si toute ma vie je l’avais attendu. Pourtant, rien de commun avec les processus d’attachement habituels.

Nul besoin de mots, de regards, de gestes pour se comprendre, au point que, très vite, le rapprochement des corps nous a paru inutile et même un peu ridicule. Des phénomènes étranges ont commencé à se produire : flashs de voyance, rêves prémonitoires. Je le voyais accomplir des actions, et le téléphone permettait de vérifier que j’avais vu juste ; j’ai visualisé son appartement avant même d’y être allé, etc. J’avais la sensation de devenir folle. Lui ressentait des phénomènes similaires.

Il en avait peur, et il y a de quoi : vous êtes en état de transe,

vous ne contrôlez plus rien. Je pensais deux fois plus vite, les idées m’arrivaient en rafales. Mes connaissances en psychologie ne me permettaient pas d’analyser ce qui se passait, de mettre un nom dessus. Il m’a fallu des années avant de me dire “j’ai rencontré mon âme sœur” au sens spirituel du terme, et cela n’avait rien d’évident pour moi qui n’avais alors aucun goût pour la spiritualité. »

Du point de vue psychanalytique, un tel sentiment d’exaltation mêlé d’anxiété, avec une accélération de la pensée, des idées, s’appelle un « état maniaque », mais ici, ce diagnostic ne peut en rien constituer une explication. Quant aux phénomènes télépathiques qui ont envahi Sabrina Philippe et son « double », ils renverraient au lien primaire avec la mère, quand le jeune enfant est en prise directe avec les émotions maternelles.Pour la psychanalyse, cet être appartient en fait au domaine de l’imaginaire : nostalgiques de la fusion mère-nourrisson des premiers mois de notre existence et cherchant notre vie durant à la retrouver, nous inventons cette figure idéale d’un autre avec lequel nous pourrions communiquer sans recourir aux mots et qui nous protégerait à jamais du manque.

Osons une hypothèse. Et si, au contraire, c’était la perte, l’absence de notre « moitié » qui engendrait le sentiment de solitude, de manque sans cause tangible que nous éprouvons parfois ? En tout cas, des témoignages tels que celui de Sabrina Philippe, Tobie Nathan en a entendu plusieurs dizaines : « Ils décrivent tous des phénomènes de ce genre, communication à distance, connaissance intuitive des faits et gestes de l’autre, rêves prémonitoires… Et tous ceux qui ont connu ces manifestations en parlent comme d’une expérience violente, toujours. »En dépit de la puissance de leur lien, après quelques mois, l’âme sœur de Sabrina Philippe s’est envolée pour un autre hémisphère. « Dans la majorité des cas, ces couples ne finissent pas leurs jours ensemble, constate d’ailleurs la psychologue, qui, depuis la rencontre avec la sienne, tente de recueillir un maximum de témoignages. Parce que, généralement, l’un des deux n’est pas prêt à remettre sa vie en question. » Étrange, tout de même ! Comment des âmes sœurs peuvent-elles ne pas se reconnaître, rater la chance de leur vie ?

Le rationaliste en nous se dit : « C’est très simple, ces histoires relèvent de l’imagination. Dans ce duo, il y en a fatalement un qui s’est fait un film, qui s’est persuadé d’avoir rencontré sa moitié, et un autre qui est nettement moins amoureux, voire pas du tout. »La kabbale est moins cynique. D’après Joseph Gikatilla, kabbaliste castillan du XIIIe siècle, si l’accord parfait n’est pas au rendez-vous, c’est que les deux âmes n’en sont pas au même stade de leur cycle terrestre, au même degré de conscience, dirions-nous en langage plus « tellurien »

Son expérience hors du commun, malgré sa brièveté, a profondément transformé Sabrina Philippe. « Elle a changé radicalement ma façon d’aimer, de travailler. J’ai retrouvé un compagnon. C’est différent, bien sûr, mais j’ai tenu à ce qu’il connaisse cet épisode de ma vie. Et j’en suis sûre : quand deux âmes sœurs se rencontrent, c’est pour améliorer le monde », soutient-elle. Ces étranges histoires semblent un peu folles, voire totalement insensées, mais elles nous font rêver, elles emportent avec elles la promesse d’un univers invisible qui nous extirpe de la lourdeur du quotidien. Pourquoi s’interdire les rêves ?

Source : psychologies

http://www.conscience-et-eveil-spirituel.com

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