Intégrer l’égo – une clef vers l’amour de soi
Le mot égo vient du latin et signifie je, moi.
Ce que nous appelons ego est notre identité temporaire, notre avatar en quelque sorte. Lorsque notre âme ou notre Moi supérieur souhaite s’incarner elle projette une identité physique dans la matière, une identité temporaire à laquelle on fait référence par notre prénom. L’analogie la plus parlante est sans doute celle avec un jeu vidéo. Lorsque nous jouons à un jeu vidéo nous choisissons un avatar, un personnage que nous allons jouer. Pendant que nous jouons nous sommes complètement immergés dans le jeu à travers ce personnage et les aventures qu’il vit. La plupart du temps nous nous identifions totalement à ce personnage jusqu’à oublier que nous sommes à la fois ce personnage mais aussi la conscience dernière les manettes qui observe et dirige la vie de cet avatar.
Si l’âme est une vague dans l’océan de conscience, disons que l’identité physique est le surfeur sur sa planche de surf. Le surfeur veut avoir le contrôle sur la vague, il veut diriger sa planche de surf dans telle ou telle direction. Jusqu’à ce qu’il se rende compte que s’il lâche prise et laisse la vague le porter il arrivera de manière beaucoup plus fluide à bon port. Si nous lâchons le contrôle sur nos vies, nous permettons à notre âme (la vague) de nous porter là où il faut quand il le faut.
Généralement quand nous choisissons une incarnation nous choisissons aussi d’effacer complètement notre mémoire par rapport à ce qui s’est passé avant et d’où nous venons. On va dire que ça fait partie des règles du jeu de la vie, bien que de plus en plus d’âmes s’incarnent en choisissant de garder en mémoire tout ce qu’il y avait avant (le Grand Tout, les vies passées, les dimensions spirituelles, etc.) pour pouvoir l’enseigner aux autres.
Dans certains milieux spirituels on a fini par diaboliser l’ego, en le condamnant à mort, en tentant de réduire à néant l’illusion dans laquelle il nous emprisonne. Cette manière de penser est une conséquence indirecte de la diffusion et de l’engouement toujours grandissant pour la philosophie bouddhiste à travers le monde, mais il y a là une mésinterprétation de cette sagesse fondamentale. En effet, quand le Bouddha méditait auprès de l’arbre de la Bodhi, il fut tenté par Māra dépeint comme un démon ou un esprit maléfique. Māra est en fait une métaphore de l’égo du Bouddha qui essaye de l’empêcher d’atteindre l’Illumination en venant le tenter, le Bouddha réussit à défier Māra et atteint l’Illumination. Mais le fait est que le terme ego ne provient pas de la culture bouddhiste. Le concept d’ego tel qu’on le connaît aujourd’hui a été en fait établi au début du XXème siècle en Occident à travers la philosophie, la psychologie et la psychanalyse freudienne.
L’enseignant spirituel Matt Kahn a une définition de l’ego qui me semble très pertinente : l’ego serait en fait le résultat d’un système nerveux hyper stimulé, une sorte d’inflammation de la personnalité, comme une réaction allergique. Quand nous étions enfant nous avons développé une sorte d’allergie à l’inconscience collective et cette allergie a développé un état inflammatoire de la personnalité. Personnalité qui est déjà présente au niveau de l’âme dans son aspect positif le plus élevé, et qui, à travers l’ego développe et expérimente son aspect négatif. Il définit 4 grands archétypes de l’ego : le moralisateur, la victime, le nécessiteux et l’intitulé.
– Le moralisateur : veut toujours avoir raison et le dernier mot, il sait toujours mieux que les autres.
– La victime : croit que le monde/l’Univers est contre elle, qu’elle est damnée.
– Le nécessiteux : en veut toujours plus et toujours plus, n’arrive pas à se contenter de ce qu’il a.
– L’intitulé : croit avoir plus de droits et de privilèges que les autres et au dépens des autres (c’est le type d’ego qui détient encore le pouvoir sur cette planète).
Généralement nos égos ont une dominante dans l’une de ces catégories, mais cela arrive qu’un égo se retrouve dans plusieurs de ces catégories.
Notre égo se forme pendant notre enfance vers l’âge de 6-7 ans, à l’âge de raison. Avant cela le concept que nous avons de nous-mêmes n’a pas encore pris forme, les petits enfants ne savent pas où leur identité commence et où elle finit. Ils sont comme des éponges qui absorbent tout de leur environnement, et surtout de leur première figure d’autorité, leurs parents ou autres, jusqu’à imiter et copier les comportements des grands.
Nous avons tous subi des traumas émotionnels durant notre enfance, qu’ils soient visibles ou non et cela a contribué à formater la structure de notre personnalité. Je préfère voir notre ego comme le masque d’Halloween que notre enfant intérieur porte pour se protéger et surtout pour survivre dans notre société. En effet le rôle principal de l’ego est de garantir notre survie, et en cela il s’est structuré d’une manière spécifique à chacun pour remplir cette mission-là.
Lorsque nous étions enfant notre survie à été mise en danger par une éducation basée principalement sur un amour conditionnel et non un amour inconditionnel de la part de nos parents ou grands-parents. « Tu auras mon approbation lorsque tu seras sage»; « tu auras mon amour et mon attention seulement lorsque tu auras des bonnes notes à l’école »…Même si cela n’a pas été dit concrètement, l’intention et l’impact de ces messages sont les mêmes. La socialisation de l’enfant à travers nos systèmes scolaires a renforcé cette construction de l’identité séparée (notamment via l’esprit de compétition à l’école, la comparaison à l’autre etc.).
Or un enfant, dans toute son innocence et sa spontanéité, a besoin de se sentir inconditionnellement aimé pour se développer harmonieusement car sa survie en dépend. Il a le cœur sur la main et ouvre grand les bras à la vie pour recevoir de l’amour en retour mais parfois, ce qu’il reçoit en retour, c’est une tarte dans la figure (au sens propre comme au figuré). Ceci a contribué à déclencher ce mécanisme de survie (qu’on pourrait appeler l’inflammation de la personnalité), et l’ego s’est mis en tête que pour nous sauver il devait prendre le contrôle de nos vies, pour que plus jamais cela n’arrive. Et c’est là où réside le problème par rapport à notre ego, c’est que nous lui avons laissé les rennes de nos vies et que nous avons fini par nous identifier totalement à lui et ce que nous croyons être.
L’ego a une vision du monde verticale, c’est-à-dire qu’il ne trouve du sens en lui-même et ne peut s’appréhender lui-même qu’à travers les concepts de supériorité/infériorité, de comparaison, de Bien et de Mal. Car sa manière de percevoir le monde est basée sur la séparation. Par exemple un ego « supérieur » sera plus du type à développer de l’orgueil et du narcissisme et à se mettre au-dessus des autres, voulant être toujours le centre de l’attention au dépens des autres. Un ego « inférieur » en revanche, se retrouve plus dans les personnalités timides ou humbles de manière extrême, elles se mettent toujours en dessous des autres et se croient être moins que les autres et ne veulent pas avec les regards sur elles. A l’opposé, notre âme ou Moi supérieur perçoit le monde de manière horizontale, c’est-à-dire l’égalité entre les êtres, l’Unité entre toutes choses et intègre l’autre comme étant soi-même.
Partir en guerre contre son ego est contre-productif, et cela revient à partir en guerre contre soi-même. Diaboliser l’ego revient à dire qu’il y a une partie de nous qui est Divine et l’autre non. Or Tout ce qui est, est Divin. Si on reconnaît au fond de soi les bases de la construction intérieure de l’ego et donc les blessures qui ont fragmenté notre être, nous reconnaissons que c’est cette fragmentation qui est à l’origine de nos souffrances. L’ego n’en est pas responsable, il a simplement essayé de nous épargner, de faire ce qu’il a pu, c’est notre identification à lui qui pose problème.
La plupart d’entre nous, lorsque nous sommes sur un chemin spirituel, savons que nous nous cachons derrière ce masque d’Halloween, nous savons que ce nous cachons c’est notre vulnérabilité, nos blessures et notre fragilité. Au cours des années, ce masque prend le rôle de mur entre nous et les autres, c’est notre protection. Ce mur est parfois rempli de piques et de bombes prêtes à sauter au moindre assaut, parfois lorsqu’on se sent attaqué juste par une petite phrase qui peut paraître anodine, nous réagissons automatiquement et parfois avec violence, comme si cette agression extérieure était là pour nous anéantir. C’est la seule solution que notre enfant intérieur ait trouvé pour maintenir sa survie dans ce monde parfois si dur en apparence.
La vérité est que sans l’ego, sans Māra, le Bouddha n’aurait jamais pu atteindre l’Illumination, et en ce sens nous pouvons reconnaître l’ego pour ce qu’il est vraiment, c’est-à-dire un serviteur du Divin. Il permet à notre âme d’expérimenter la séparation. En nous montrant ce que l’on n’est pas (la séparation), il nous révèle ce qu’on est vraiment (l’Unité). Le Tout et le Rien à la fois. Ce contraste sert l’expansion de l’Univers, la Source apprend à se connaître elle-même à travers ce qu’Elle n’est pas, c’est-à-dire la séparation.
Puisqu’il y a fragmentation de l’être, jaillit en nous un désir de complétude retrouvée, qui est en fait notre état originel. Pour commencer à se désidentifier de son ego, il est important de commencer par questionner ses pensées, de prendre un peu de recul par rapport à elles. Une approche frontale par rapport à son ego n’est jamais productive et sert plutôt la haine de soi. C’est pourquoi il est important pour pouvoir entamer ce processus de désidentification, de plonger à l’intérieur de notre être est d’aller y déceler les blessures et les failles qui sont à l’origine de la construction de notre personnalité « inflammée ».
Pour mettre en lumière ces blessures et ces failles il n’y a qu’un seul remède : l’amour inconditionnel pour soi et toutes les parties de soi cachées derrière ce masque et qui sont en attente de notre Amour depuis bien trop longtemps. Comme un petit enfant assis derrière le mur recroquevillé sur lui-même, la tête entre les jambes, attendant qu’une main douce et aimante lui soit tendue. Ayons le courage de nous tendre cette main, ayons le courage de nous aimer et surtout les parts de nous-mêmes que nous ne voulons pas voir et que nous avons abandonnées depuis si longtemps…Demander à son ego ou à son mental de la fermer ou condamner ce qu’il exprime revient à dire « ta gueule » à un petit enfant en souffrance. Comme a priori nous ne disons pas ça à un petit enfant en souffrance, pourquoi le disons-nous à nous-mêmes ?
La mort de l’ego est un leurre, la mort de l’ego équivaut à la mort tout court car la dissolution totale de l’ego équivaut à la mort physique et au retour à la Source. Même en devenant des êtres accomplis et illuminés notre ego ne disparaît pas, il n’y a simplement plus d’identification à lui. Le Bouddha après avoir atteint l’Illumination fut régulièrement « tenté » par Māra au cours de sa vie, seulement au lieu de le combattre et de l’opposer, il disait : « Ah voici mon vieil ami qui arrive !». Et il demandait que l’ont prépare du thé pour sa venue et l’invitait à s’asseoir en invité d’honneur pour écouter ce qu’il avait à lui dire.
Sat Nam
par Gabrielle Blocker
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