Le toucher est notre premier langage
“L’absence de contact pendant les huit premiers mois de la vie où le système nerveux est le plus réceptif et où les autres modalités sensorielles sont encore insuffisamment développées peut provoquer l’irréparable”, constate Arthur Janov, auteur du livre, L’amour et l’enfant.
À la fin du voyage des 9 mois, au moment de la naissance, l’anthropologue Margaret Mead parle du “choc de la peau”. Bébé entre dans un nouveau monde qu’il ressentira et vivra comme une merveilleuse symphonie ou comme un désert angoissant, selon qu’il sera touché ou pas.
Les récents travaux de Tiffany Fields, du Medical School de l’Université de Miami, ont démontré que le toucher est une nourriture essentielle aux nouveau-nés. Dans 47% des cas, les bébés nés prématurément et massés pendant 15 minutes 3 fois par jour ont pris du poids plus vite que les bébés laissés à eux-mêmes.
Selon diverses recherches, les stimulations tactiles sont nécessaires au développement du système immunitaire, digestif et respiratoire nouveau-né. Le développement du système nerveux du cerveau dépend aussi des stimulations tactiles et les autres sens se développeront d’autant mieux – une vision, une audition, un odorat riches en détails – que la peau aura été bien stimulée.
BÉBÉ DÉCOUVRE LE MONDE EN TOUCHANT
Bébé va construire sa réalité et découvrir le monde en le touchant. Mais, d’abord, le monde devra le toucher. Seule sa peau le renseigne le monde extérieur, lui dit s’il est en danger, lui fait savoir si sa mère l’aime ou ne l’aime pas.
L’enfant obéit à son instinct d’aller vers l’inconnu pour autant que le connu lui est assuré. Lorsqu’il part explorer en rampant, il revient régulièrement téter un sein ou se faire prendre. Mais si le connu lui fait défaut, aussitôt surgit l’angoisse. L’enfant ne prend plus le risque de s’aventurer à l’extérieur. Il réduit ses explorations sensorielles. L’angoisse paralyse le développement de l’intelligence chez l’enfant, explique J.C. Pearce, auteur de L’enfant magique. “L’enfant non touché aura un problème relationnel, ajoute Ashley Montagu. Le toucher est le premier langage.
Dans Le cri primal, Arthur Janov dit: “Un environnement chaleureux plus tard dans la vie ne fait pas disparaître les premiers traumatismes. L’absence de toucher au début de la vie crée une surcharge de peur qui se transforme en angoisse latente.« J’ai revécu en primal l’abandon du corps maternel qui me laissait seul dans le désert et l’angoisse totale pendant les quatre heures entre les tétées prescrites. Je pleurais, je hurlais ma peur, mon angoisse, ma terreur. Si on ne venait pas, j’allais mourir. Personne ne répondait. Je hurlais, hoquetais jusqu’à ce que épuisée, je me réfugie dans le sommeil où au moins j’étais à l’abri”, raconte Jeanne.
Dans The Betrayal of the Body, Alexandre Lowen relie la schizophrénie à l’échec d’une stimulation tactile précoce. La sensation d’identité vient de la sensation du contact avec le corps. Si cette sensation manque, l’individu ne sait pas ce qu’il sent, ne sait pas ce qu’il est. Et la perte de contact avec le corps aboutit à la perte de contact avec la réalité.
Avec l’avènement des pouponnières, les bébés sont séparés du corps de leur mère dès la naissance, forcés à téter un bout de plastique amorphe, emprisonnés dans d’horribles jolis pyjamas qui ne libèrent que les mains et la tête et isolés dans une chambre durant leur sommeil. “S’endormir au contact d’un autre est un besoin fondamental pour l’enfant”, affirme Anne Freud.
De plus en plus d’enfants souffrent de problèmes de peau. ” Mal touchés. Mal portés, mal portants, mal menés, mal aimés “, écrit Frédérick Leboyer dans Shantala, un art traditionnel, le massage des enfants. Plutôt que de traiter leur eczéma avec des pommades, des médecins avertis les guérissent en nourrissant leur peau avec des massages, apportant ainsi les stimulations qui ont manqué au départ…
Les anthropologues et les voyageurs se sont toujours étonnés de ne jamais entendre de pleurs d’enfants chez les autochtones du Grand Nord, les Amérindiens, aux Indes, à Bali et dans toutes les sociétés où les bébés sont portés constamment contre la mère. Celle-ci allaite son bébé sur demande, le garde accroché au sein ou dans ses bras, le couche avec elle jusqu’à ce qu’il décide de partir explorer le vaste monde. Leur besoin de contact satisfait, les bébés n’ont pas besoin de signaler leur désarroi et leur détresse par des cris. En grandissant, ces enfants ne restent pas collés à leur mère, ne pleurent pas avant de s’endormir. Ils sont capables d’entrer en véritable relation avec les autres. Ce sont les enfants magiques décrits par J. C. Pearce. Heureux enfants qui ont vécu pleinement dans leur peau leur première relation amoureuse !
Le toucher est essentiel pour qu’une société vive en paix.