Les deux facettes de la femme
Beaucoup de contes vous présentent comme des êtres à double facettes : nous considérant soit sous l’angle positif de la vierge pudique ou de la bonne mère, soit sous l’angle négatif de la maléfique et belle enchanteresse ou de l’horrible sorcière destructrice Le sens originel du conte est fréquemment déformé par l’influence du rôle féminin tel qu’il est perçu par une société masculine dominante.
Le côté négatif est présenté comme destructeur, mais dans beaucoup de cas, il marque une nouvelle étape existentielle ou une élévation de conscience. On peut le constater dans des contes tels que Sire Gauvin et la Sorcière (Sir Gawain and The Loathly Lady) du cycle arthurien ou dans les contes de Grimm comme Blanche Neige et La Belle au bois dormant. Or en fait, on les considère comme des mythes menstruels, c’est-à-dire des enseignements renvoyant à l’expérience vécue du cycle féminin et à la phase de transition fille-femme marquée par la première menstruation. Le conte intitulé Sire Gauvain et la Sorcière débute lorsque le roi Arthur est défié et battu par un mystérieux chevalier noir qui, au lieu de le tuer, lui demande de résoudre en trois jours l’énigme suivante : « Que désire le plus une femme ? », faute de quoi sa vie et son royaume lui seront confisqués.
Lors de son retour à Camelot, Arthur arrête chaque femme qu’il rencontre pour lui poser la question ; hélas, il recueille autant de réponses que de femmes rencontrées ! Finalement, il tombe par hasard, dans les bois, sur une vieille femme laide et affreusement difforme qui prétend pouvoir lui donner la bonne réponse, mais en échange de la réalisation de son vœu. Désespéré, Arthur accepte le marché et prend connaissance de la solution, sauvant ainsi sa vie et son royaume. Il est cependant scandalisé d’apprendre que pour le prix de son service elle exige d’être mariée à l’un de ses chevaliers. Il la présente à sa cour et n’est nullement surpris de constater que tous les hommes la regardent avec horreur et n’éprouvent qu’antipathie à son encontre. Il est ainsi difficile de les forcer à l’épouser.
Toutefois, le courageux Sire Gauvin se porte volontaire et, devant la cour stupéfaite, se marie avec elle en grande pompe. Au cours de leur nuit de noces, lorsque Gauvin l’emmène vers la couche nuptiale, elle se transforme brusquement en jeune et jolie femme et lui explique alors qu’elle est sous l’effet d’un charme et qu’en se mariant avec elle, il en a déjà levé la moitié, mais que s’il donne la bonne réponse à la question suivante il la libérera totalement: « Préfères-tu que je sois jolie la nuit ou le jour ? »
Cela plonge Gauvin dans un abîme de perplexité: si elle est jolie la nuit, elle sera une partenaire agréable, mais si c’est de jour, il s’attirera envie et jalousie au sein de la cour. Au désespoir, il lui demande de choisir elle-même. C’est naturellement la bonne réponse ; dès qu’elle est formulée, le sort est brisé et désormais son épouse reste jolie. En fait, la solution des deux énigmes, celle d’Arthur et celle de Gauvin sont identiques : une femme doit être fidèle à son essence propre ou, pour reprendre les termes de la réponse faite par Arthur au chevalier, elle doit « suivre sa voie » !
Ce que vous voulez, c’est être acceptée pour vous-même. Notre société à dominante masculine tend à nous donner une représentation linéaire et stéréotypée, ignorant délibérément notre caractère cyclique. Libre de choisir entre les deux pôles de son caractère inné, La Sorcière de Gauvain pouvait en intégrer toutes les facettes pour devenir une femme non seulement jolie, mais équilibrée. Il est important d’observer que dans les deux cas, c’est aux hommes qu’il faut en faire prendre conscience. Ainsi, dans la société occidentale, nous avons rarement la possibilité d’être fidèle à notre nature et il nous est nécessaire de poser la devinette aux hommes afin d’éveiller leur compréhension. Dans l’histoire de Blanche Neige, la composante féminine négative se présente sous les traits de la méchante belle-mère tandis que Blanche Neige incarne la vierge pure. Dans le récit initial, la méchante belle-mère (la reine) apparaît sous les traits d’une jolie femme dans l’éclat de l’âge adulte symbole de l’expérience et maîtresse des facultés magiques inhérentes à sa féminité. Sous l’apparence d’une vieille femme, elle offre à Blanche Neige une pomme empoisonnée du côté rouge – la couleur prend tout son sens.
Ainsi la reine assume-t-elle son rôle d’initiatrice en détruisant l’enfant et faisant naître la jeune fille avec l’arrivée de la menstruation symbolisée par cette pomme rouge. Après avoir mordu dedans, Blanche Neige – présumée morte – est placée dans un cercueil de verre sur lequel se posent trois oiseaux : une chouette, un corbeau et une colombe. La chouette est depuis longtemps associée à la mort, ainsi qu’à la sagesse du subconscient et de l’épanouissement personnel. Le corbeau est également un oiseau de mort et la colombe symbolise l’illumination.
EXTRAIT DE LA FEMME LUNAIRE de Miranda Gray -Editions Jouvence
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