S’aimer tel que l’on est
reconnaître ses qualités et ses défauts, aimer l’autre tel qu’il est, sans le juger.
Voici la transcription de l’interview de Juan-David Nasio
Quels sont les principes éthiques qui vous guident dans la vie ?
Je dirais qu’un des principes éthiques qui me guident, c’est de sentir que je suis aussi bon que mauvais, que je fais la part des choses, j’ai des défauts et des qualités. Je me traite moi-même, j’essaye de me traiter moi-même en reconnaissant en moi des qualités, en reconnaissant en moi des défauts, en essayant de m’accepter tel que je suis, et si possible, en reconnaissant mes défauts, et en les aimant.
C’est pour ça que je disais que c’est difficile de : un, reconnaître nos défauts, et nos qualités aussi pour ne pas être injuste envers nous-mêmes. Deux, commencer à aimer nos défauts, ça c’est déjà un peu difficile. Trois, transformer nos défauts en qualité, alors là c’est du top niveau. Je dirais c’est du grand sage, peut-être un sage bouddhiste ou un sage du zen, peut-être il le pourrait, mais pour nous qui ne sommes que des humains confrontés à la vie de tous les jours, ce n’est pas toujours facile.
Quel est votre conseil de comportement éthique ?
La tolérance, la tolérance d’encaisser, la capacité d’encaisser, d’accepter et d’intégrer. C’est très difficile mais c’est la qualité la meilleure. Mais pour cette tolérance il faut beaucoup de courage. Pour moi c’est aussi un principe éthique, dans mon éthique je dirais d’homme, personnelle. Mon éthique personnelle – et j’essaye de la transmettre à tous ceux avec lesquels je travaille, que ce soit des élèves, que ce soit des patients ou des enfants, et ce n’est pas simple – c’est de leur dire d’apprendre à encaisser les coups et ne pas sentir de la haine. C’est difficile. Ça j’essaye : à certains moments il y a certaines choses qui ne sont pas comme j’aurais voulu qu’elles soient, et j’encaisse. Le mot encaisser, c’est un mot bon, parce que c’est l’impact, on est secoué et on l’intègre. Et pas tout le monde peut intégrer, parce que souvent on a un goût amer, on a envie de se venger.
Et la vengeance n’est pas une bonne chose dans la vie humaine, mais ça on le sait depuis le code d’Hammourabi. Hammourabi qui était effectivement un homme sumérien, 2500 avant Jésus-Christ. Le code d’Hammourabi il faut aller le voir au Musée du Louvre, c’est formidable ! Eh bien le code d’Hammourabi parlait de la vengeance, c’était le minimum du code. Mais nous sommes à ce niveau là qui est un niveau assez primitif.
En général, le cas d’humanité de l’être humain, c’est de ne pas juger l’autre en bon ou en mauvais et de ne pas attendre qu’il soit ce que je veux, mais de le reconnaître ce qu’il est, tel qu’il est. J’applique ça tout le temps avec mes patients. Alors dans l’humanité, le geste le plus humain qui soit, ça serait celui-là : ne pas juger, ni en bon, ni en mauvais et reconnaître, et accepter l’autre tel qu’il est.
La source : Fondation Ostad Elahi (vidéo de l’interview en ligne).
Juan-David Nasio
Originaire d’Argentine, Juan-David Nasio s’établit en France après avoir complété ses études de médecine et sa spécialisation en psychiatrie. Il travaille avec Jacques Lacan …
Il devient professeur et enseigne à l’université de Paris VII pendant trente ans. Il participe au séminaire que Lacan donne à l’École freudienne de Paris et ouvre le sien en 1978, traduit les écrits de Lacan en espagnol. En 1986, il fonde les Séminaires psychanalytiques de Paris.
En 1999, il est promu chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite et devient aussi citoyen d’honneur de Rosario.