Le secret
Dans la vie, nous ne tardons pas à découvrir que, dans la diversité des traits de caractère de nos compagnons d’évolution, nous pouvons trouver une source surabondante de discorde et de motifs d’irritation. La façon de faire, les opinions d’autrui, les divers tempéraments d’autrui s’opposent souvent aux nôtres, nous heurtant. Ainsi, bien que nous nous efforcions de nous montrer polis, de respecter les conventions et que nous nous abstenions de la critique ouverte, le ressentiment finit par bouillir à l’intérieur de nous.
Nous percevons comme désagréable que les gens ne soient pas tels que nous les voudrions – mais, de toute évidence, ils ne veulent pas se conformer au modèle que nous leur proposons. Nous avons peine à comprendre pourquoi les autres, particulièrement nos amis intimes et les membres de notre famille, refusent d’accepter notre jugement comme le meilleur ou de conformer leur vie à notre propre éthique et à notre philosophie personnelle.
Alors, nous continuons de nous irriter de ce que les autres sont et font. Au lieu de cultiver la sérénité d’âme et d’esprit, qui est vitale dans la mesure où nous tentons de faire fructueusement face aux problèmes urgents des temps difficiles que nous vivons, nombre d’entre nous se laissent intérieurement fouetter par les vagues orageuses de la sombre mer de la critique et de la condamnation. Il en résulte que nous devenons sourds au carillon éternel de l’humanité qui retentit dans la haute tour de la destinée humaine. Chacune de ses intonations nous met en garde contre le fait que nous n’atteindrons jamais une paix durable, dans une ère dorée mue par la bonne volonté générale, tant que nous n’apprendrons pas d’abord le secret capable de nous aider à surmonter nos petites différences au niveau de la personnalité afin de reconnaître notre unité spirituelle et essentielle.
Ravello, ce grand poète d’esprit élevé et inspiré, a dit : «Le plus grand SECRET est l’ART DE VIVRE.» Oui, l’art de vivre : prendre les gens tels qu’ils sont, voir le bien dans les autres, s’appuyer sur ce bien plutôt que sur le mal et l’intensifier en y ramenant sans cesse son attention.
Chacun d’entre nous est venu sur terre doté d’une individualité définie et unique. Dans l’âme de tout homme, s’exprime une invincible impulsion qui le pousse à développer et à exprimer un prototype de vie qui, finalement, fera épanouir sa destinée. Ce prototype est infiniment plus grand que ce qu’il peut imaginer lui-même. De ce fait, il serait présomptueux de notre part de tenter d’imposer à quiconque notre idée personnelle par rapport au prototype qui doit lui servir de modèle.
On raconte qu’Alexandre le Grand, un jour qu’il chevauchait avec son armée, aperçut le philosophe Diogène, assis au soleil sur le bord de la route. Grand admirateur des philosophes, car il était l’élève du célèbre Aristote, le jeune souverain arrêta d’un signe ses troupes, mit pied à terre et s’avança vers l’ermite. S’adressant au sage, le conquérant dit : «Demande-moi n’importe quoi que ton cœur désire et je te le donnerai.» Diogène leva lentement les yeux vers le chef d’armée et lui répondit : «Je te demande d’avoir la bonté de t’enlever de devant moi afin que le soleil puisse briller sur moi. Ô Alexandre de Macédoine, ne prends pas ce qu’il n’est pas en ton pouvoir de donner.»
Comme on peut le constater, le grand général ne réussit pas à améliorer le sort de Diogène qui ne possédait rien et qui se contentait de chercher, muni de sa lampe, un honnête homme. Le monarque ne peut imposer au chercheur un mode de vie qui ne lui convenait pas.
Cet épisode résume le précieux secret de l’art de vivre : ne voir que les bonnes qualités des autres, ignorer leurs défauts apparents et toujours éviter d’imposer à autrui ce que nous considérons comme meilleur pour lui.
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