Faites toujours de votre mieux
Éducatrice spécialisée depuis dix ans, je suis quotidiennement amenée à travailler auprès de personnes fragiles, enfants, adultes et personnes âgées. Ma mission est de permettre à chacun d’acquérir chaque jour un peu plus d’autonomie : au quotidien en allant se doucher ou s’habiller seul ; dans les déplacements en étant capable de faire ses courses ; d’un point de vue financier en étant capable de gérer un budget ou une petite somme d’argent de poche.
J’ai la chance de pouvoir travailler avec des co-équipiers un peu particuliers : Sigmund, croisé bouvier bernois, et Toltèque, une merveilleuse border collie, viennent ainsi souvent avec moi. Je pratique ce qui est couramment appelé la médiation animale. Cette méthode d’intervention est basée sur la relation Homme–Animal. Il s’agit d’une relation triangulaire entre un bénéficiaire, un intervenant et un animal. L’intervenant utilise l’attrait que peut avoir l’animal pour proposer des ateliers à visées éducative, thérapeutique ou d’animation. La médiation animale est donc un support de relation. C’est un outil complémentaire à une pratique professionnelle.
Évidemment, l’animal ne fera pas à la place de la personne. Mais il peut la stimuler par son comportement, par son dynamisme. L’animal n’a pas de mission éducative ou thérapeutique par rapport au bénéficiaire. Il est présent et il donne ce qu’il peut, ce qu’il a, en fonction de l’environnement qu’on lui propose. Un regard, un mouvement de queue, un aboiement… Tous ses signes sont stimulants. Ainsi, si Jean accepte de s’habiller, il pourra aller promener Toltèque dehors. Si Celia connaît le montant de l’argent qui lui a été confié, elle pourra acheter un jouet à Toltèque et aller s’amuser avec lui.
Le chien est le plus fidèle compagnon de l’homme. Il ne manque pas d’exemples pour illustrer l’aide qu’il peut lui apporter : chien guide d’aveugle, chien d’avalanche, chien truffier et j’en oublie tant d’autres.
En médiation animale, il n’y a pas que le chien qui peut être choisi. Le cochon d’Inde, le lapin et l’âne peuvent aussi avoir toute leur place. En fonction de leurs caractères, de leurs particularités et de leurs histoires de vie, ils pourront se joindre aux séances. La taille de l’animal, sa couleur, la texture de son pelage, son caractère lui donnent différents atouts et offrent plusieurs manières d’être. Tout comme les humains, chacun a sa façon de rencontrer l’autre, ses capacités et ses envies. Pour permettre la rencontre la plus bénéfique, il faut qu’elle soit finement adaptée à l’animal et au bénéficiaire. Le choix de l’animal est donc primordial. Il fait suite à un long travail d’observation, d’analyse et de connaissance du public concerné et des animaux.
Je propose ainsi un cadre avec une finalité éducative. Il est ensuite question de rencontre et d’échange entre l’animal et les bénéficiaires, les bénéficiaires et moi, et la complicité que je peux entretenir avec mes animaux. L’animal apporte de la vie et du dynamisme dans des systèmes institutionnels ou relationnels qui peuvent être figés depuis des années. Il a cette part de spontanéité et de vie qui ne laisse personne indifférent. Il permet de revisiter notre quotidien et de faire évoluer notre perception de nous-même.
Je ne pense pas que la richesse de la présence d’un animal soit encore à démontrer. Cependant j’ai bien conscience qu’un animal demande beaucoup d’investissement de la part de l’humain dont il dépend : suivi vétérinaire, alimentation, besoin de balade, d’aller rencontrer ses pairs. Et que faire pendant les vacances, si l’établissement ferme ou si une personne est allergique aux poils ? Toutes ces contraintes ne sont pas toujours surmontables dans les établissements médico-sociaux, dans les établissements scolaires ou même à domicile. Ce n’est pas non plus la mission première de ces lieux. C’est pourquoi, je propose dans ce livre mon témoignage de cette merveilleuse aventure qu’est la mise en place de médiation animale. Je vous y présente une manière de l’aborder, de la faire vivre et les intérêts qu’elle présente au quotidien.
Il est d’abord important que l’intervenant puisse acquérir une formation initiale. Connaître le public auprès duquel on intervient, connaître ses spécificités, ses besoins et ses capacités permet de proposer des ateliers adaptés. De même, une connaissance des animaux qui sont présents lors des séances est indispensable, dans la mesure où c’est ce qui va permettre de pouvoir assurer le bien-être physique et psychique des personnes. Enfin, il faut pouvoir laisser libre cours à sa créativité : Quels jeux ? Quelle adaptation des règles ? Comment permettre à des personnes qui ont des particularités sensorielles de se trouver une place dans l’atelier ? Comment permettre au bénéficiaire de se rendre compte de son évolution ?
Depuis quelques années, la médiation animale est en plein essor. La presse, la télévision et les établissements médico-sociaux parlent de cette pratique, essaient de la mettre en place, de la développer ou de la valoriser. Elle permet un questionnement de nos pratiques professionnelles. Il n’existe pas de diplôme reconnu en France autour de cette pratique. C’est ainsi que chaque professionnel peut adapter à sa guise ce support relationnel selon ses valeurs, sa spécialisation et sa sensibilité. C’est aussi un frein dans la mesure où, sans règlementation, cette pratique peut donner lieu à des dérives qui ne respectent ni l’animal, ni l’usager.
Comment un animal peut-il être un vecteur de changement pour une personne en difficulté ? Quels types de projets peuvent-être menés en équipe ?
Quelle place occupent les animaux dans notre quotidien ? En quoi peuvent-ils nous permettre de montrer le meilleur de nous ?
« Que ta parole soit impeccable.» « Quoi qu’il arrive, n’en fais pas une affaire personnelle.» « Ne faites pas de suppositions. » Ces trois maximes ont été développées par Don Miguel Ruiz dans son ouvrage Les quatre accords Toltèques. Elles présentent des lignes de conduite à tenir pour avoir une vie heureuse et se sentir libre.
Je trouve cette sagesse très intéressante et j’essaie de la mettre en pratique dans ma vie privée et professionnelle.
Avec mon chien Toltèque, par le biais de projets de médiation animale, je mets en place quotidiennement le quatrième accord : « Faites toujours de votre mieux. »
Par Ingrid BERNARD, autrice de L’expérience de la médiation animale, ed. Souffle d’Or, octobre 2021