J’ai rencontré mon « prince charmant »
De longue date, nous avons imaginé quel(le) serait notre partenaire idéal(e). Ce fantasme est en lien avec nos histoires personnelles, nos imagos parentaux, nos expériences amoureuses antérieures. Nous espérons que le « prince charmant » répondra à toutes nos attentes et à nos frustrations passées.
Le fantasme et l’amour
Dans les premiers temps d’une histoire amoureuse, nous vivons dans une réalité déformée par le cataclysme affectif qui nous traverse. Nous sommes enclins à trouver chez l’autre toutes les qualités que nous avions espérées de la personne qui partagera notre vie. Notre fantasme nous amène à percevoir la réalité de son être de façon erronée. En vérité, nous nous faisons une représentation de lui correspondant à ce que nous en avions imaginé. C’est de cette première image dont nous tombons amoureux. Elle est parfois très éloignée de la réalité. Mais réalisant notre fantasme, elle est à la source de l’allégresse et du bonheur qui nous envahissent au commencement de nos idylles1.
La lumière sur l’autre
Peu à peu, cet état de grâce initial va laisser la place à une perception plus réaliste de notre partenaire. Sa personnalité s’impose et nous prenons conscience de l’écart entre ce qu’il est et ce que nous avons cru. Ce retour de la réalité n’est pas sans douleur. Quand il n’est pas dépassé, il signe la fin de l’aventure amoureuse. Toutefois le plus souvent, cette désillusion traversée, il devient possible qu’une relation profonde et sincère s’installe. Libéré de nos fantasmes et de nos rêveries, notre partenaire apparaît dans sa vérité. Il est enfin un être de chair et de sang avec lequel entrer en contact.
Aimer c’est accepter
Pour que l’histoire débutante s’écrive, il est important que chacun des partenaires se révèle dans son individualité. Bien des fois, celui que nous avons rencontré ne répond pas parfaitement aux demandes que nous lui adressons. Il est important de se rappeler que nos demandes sont ambivalentes et surtout qu’elles ne sont pas exclusivement destinées à celui qui partage notre existence.
En effet, notre histoire et les souffrances intimes qui en découlent ont façonné nos exigences. Il n’existe probablement pas de personne pouvant nous satisfaire totalement. Un être ne peut pas seul réparer toutes les frustrations que nous avons accumulées. Mais pour qu’il se sente aimé et qu’il s’investisse dans la relation, il importe que nous acceptions ses différences, ses écarts avec notre idéal.
Les différences et l’amour
Au début d’une relation, la fusion l’emporte. Par la suite, pour s’étoffer il lui faut des points sur lesquels échanger et s’accorder. En effet, une fois les premiers enchantements passés, ce qui nous attire chez l’autre, c’est sa capacité à nous surprendre. Nous avons tous besoin que l’autre aimé nous fasse rêver. Or pour rêver, nous avons besoin que nos désirs ne soient pas intégralement satisfaits. L’amour se renforce de l’équilibre toujours précaire qu’il instaure entre réalisations et frustrations.
Pour naître, la passion réclame que le « prince charmant » réponde à nos idéaux. Pour s’instaurer et se maintenir, l’amour lui faisant suite demande que nous nous investissions volontairement. Ainsi, l’amour et la pérennité des liens reposent sur la liberté que nous prenons avec nos fantasmes, attentes et désirs inconscients. Au départ nous sommes captifs de ce que nous projetons sur l’autre. Ensuite nous aimons ce que nous découvrons : une séduisante altérité.
1. Le choc amoureux, Francesco Alberoni, Presses Pocket, Paris, 1993.