Jamais – R. Barbet
Quand on dit jamais on comprend : pas encore
Où ferme-t-on la porte à ce que l’on refuse ?
Ce mot tant prononcé couvre parfois la ruse
D’un mensonge chargé de masquer notre tort :
Jamais en février fleurissent les fruitiers,
Jamais toi tant aimée ne pourrais t’oublier,
Jamais ces mots cruels ne les ai prononcés,
Jamais notre amitié un jour pourra cesser.
Et pourtant tout arrive, se brise, se transforme,
Ce que l’on a vécu soudain change de forme,
On reste tout étonné de ces bouleversements
Mon Dieu ce qu’on est bête quand on a dix-huit ans
Cet immense alambic rempli de nos pensées
Sous lequel la vie allume son brasier
Jamais, vous le conseille d’éteindre n’essayez
Car le nectar divin ne pourrez distiller.
A l’âge de sagesse, si vous avez laissé
Le grand feu de la vie doucement consumer
Toutes les expériences qui se sont présentées,
Goutte après goutte votre corps en sera imprégné
Et vous pourrez alors, revenant en arrière
admirer les oranges mûrir en février,
A nouveau vous réjouir des amours oubliés
Vous repentir peut-être d’avoir de mots blessé
cet ami qui un jour franchit votre barrière.
Prenant alors conscience du poids de ces instants
Surgit alors en vous une pensée tenace
Qui a toujours au cœur laissé comme une trace :
Jamais je n’ai pu dire « je t’aime » à mes parents.
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