Violences dans l’enfance, violences dans le couple
Les enfants témoins de violences conjugales sont des victimes indirectes des agressions mais leurs traumatismes n’en sont pas moins importants.
Un témoin victime
Face aux violences (orales ou physiques) subies par sa mère, l’enfant ressent un sentiment de grande impuissance, sorte de répétition à la propre impuissance de la mère. Il en découle des ressentis de culpabilité et d’incapacité qui risquent de s’inscrire dans la construction de leur personnalité et d’engendrer des comportements pour les résoudre: fantasme du sauveur, dépression et conduites autopunitives par exemple.
Les processus identificatoires sont omniprésents durant l’enfance et interviennent donc également dans les contextes agressifs. L’enfant y perçoit deux ou trois rôles différents : l’agresseur, la victime et éventuellement le sauveur. Les premiers entretiens thérapeutiques conduits auprès de ces enfants révèlent généralement le modèle intégré, des difficultés à résister à la frustration, une faible estime de soi ou encore une incapacité à faire face aux états colériques.
Les repères socio-affectifs de l’enfant sont également grandement perturbés et peuvent le conduire à inverser les rôles parento-infantiles (l’enfant occupe un rôle de protection de la mère ou s’assure que son père ne ‘manque de rien’). Bien souvent, ces enfants s’isolent des liens affectifs extérieurs à sa famille.
La compulsion à la répétition
Elle se définit comme ce qui fait retour de façon contraignante et répétitive et à l’insu de l’individu, dans les représentations, le discours ou le comportement. Difficile à décrypter, elle est caractéristique de la névrose.
Pour l’enfant témoin de violences conjugales, la compulsion de répétition peut se traduire par l’adoption d’un comportement agressif envers le futur conjoint ou par le choix d’un partenaire violent. Les violences reproduites à l’âge adulte sont en effet en lien avec la relation du sujet aux objets d’amour de l’enfance. Il peut s’agir de répéter le vécu maternel pour s’interdire de dépasser cette difficulté et donc de discréditer l’imago maternel. Pour l’enfant également victime de sévices, la répétition pourra, par transfert de la relation à l’objet aimé, le conduire à exercer lui-même des violences envers son conjoint.
Ainsi la cessation des violences durant l’enfance ne signifie pas la disparition des traumatismes. S’il est indispensable pour l’enfant de quitter ce contexte familial, il l’est aussi d’être suivi par un psychologue.
Vers la résilience
Ce mécanisme psychologique désigne la capacité, pour un individu victime d’un traumatisme, de dépasser ses blessures psychiques et de les surmonter. Vulgarisée par le Dr Boris Cyrulnik ces dernières années, la résilience doit toutefois être perçue comme une démarche personnelle nécessitant un long travail sur soi et non comme le symbole de la pensée magique attribuée aux thérapeutes, des miracles ou encore du fameux potentiel humain.
Concernant les enfants témoins de violences, certains facteurs de protection intra-psychiques peuvent être bénéfiques tels qu’une relation stable et sécurisante avec un adulte, l’apprentissage de réponses face à la violence, le maintien de contacts sociaux ou encore la pratique d’activités valorisantes.
Enjeux psychologiques autour des centres d’hébergement
Créés il y a quelques années pour recueillir les femmes et enfants victimes de graves violences conjugales, ces centres assurent un hébergement temporaire et jouent le rôle de refuge.
La rencontre avec d’autres victimes permet la reconstruction identificatoire : la création d’un groupe définit le contour d’un cadre familial, les échanges d’expériences fournissent des modèles, des partenaires ou encore des adversaires (tels que définit par S. Freud dans Psychologie des foules et analyse du Moi), eux-mêmes sources de débat et donc de structuration de la pensée.
L’équipe éducative assure également la fonction de contenant car elle construit un environnement sécurisant et bienveillant. Elle accompagne la construction de liens à l’extérieur et permet la mise en œuvre du processus de plainte, assurant ainsi le passage d’une position de femme isolée et ignorée dans sa souffrance, à celui de victime reconnue par la société.